mardi 27 septembre 2011

Bref retour sur une exposition d'affiches sérigraphiées organisée dans le cadre des Rendez-vous de Terres-Neuves de Bordeaux-Bègles se tenant jusqu'au 8 octobre. Exposées dans la bibliothéque des Capucins dans le quartier de Saint-Michel de Bordeaux, 9 propositions se donnent à lire, à regarder, à écouter. Le graphisme est ici la main tendue vers autrui. Pour donner de la voix.

Sur un mode d'expression rappelant les formulations lapidaires et bréves de revendications citoyennes, des messages incisifs se donnent à lire en grand, en couleurs, en transparences, en superposition. Des mécanismes visuels, des doubles lectures, de recoupements s'opèrent pour donner de la matière aux propos qui semblent scander tout seul ce qu'ils ont à faire entendre. L'envie de donner de la voix, encore un peu plus, les démange. Faire sortir ces messages hors de leur boîte, les rendre visibles aux yeux de tous. Là est leur place. Voilà le voeux exaucé ! C'est demain, mercredi 28 septembre, que les sangliers seront lâchés dans l'espace public de la CUB. La chasse est ouverte ! Prenez garde à ne pas vous faire courser…

samedi 24 septembre 2011

Devoir de vacances

Les mois chauds s'achèvent. Progressivement vont poindre les jours plus vieux.

Nuits éclairées
Une demande de communication nous a été faite par la ville de Quinsac. Je dis nous car j'ai pu réfléchir, élaborer et travailler sur le visuel des affiches, des flyers et du kakemono en collaboration avec Anne-Perrine Couët. L'événement célébré a été la fête du vin quinsacais. Son nom, Nuits et clairet.

" Si le jour de la Saint-Vincent le soleil est clairet beau – On aura plus de vin que d'eau. "

Cette sémillante manifestation nous a été présentée par Patrick Perez, organisateur de la manifestation, comme un rendez-vous où tout le monde se retrouve pour partager un bon moment avant la claironnante rentrée dans une ambiance guinguette et festive. Bref, vous l'aurez compris, c'est une fête de village où quasiment tout le monde connait quasiment tout le monde et où l'on apprécie voir de temps en temps de nouvelles têtes lors de joyeuses célébrations comme celle-ci, où l'on mange de l'entrecôte ou du magret bien saignant de manière conviviale, où l'on goûte la nouvelle cuvée du producteur local – qui nous inspire de la tendresse parce que sur sa camionnette figure encore un numéro de téléphone à 8 chiffres et que les lettres de son enseigne sont peintes à la main dans des formes rappelant du Roger Excoffon dans sa veine la plus savamment vernaculaire – de manière encore plus conviviale, tout ça au gré de sonorités rock, reggae ou ska censées vous fait bouger les seufs, distribuées par les groupes s'y produisant énergiquement.

Pour ce travail nous sommes partis sur des composantes graphiques et des couleurs simples. La couleur du clairet c'est un beau rouge rubis joliment nuancé, le ciel d'une nuit d'été c'est un bleu d'encre qui se dégrade de plus en plus vers le noir lorsqu'on lève la tête pour regarder les étoiles qui nous apparaissent comme des petits points scintillants blancs. Enfin, la scène de concert possède un éclairage qui vient distiller des ambiances lumineuses aux rythmes des morceaux se succédant. Les éclairages sont constitués de plusieurs petites leds et disposées ensemble généralement en forme de cercle. Nous avons ainsi constitué notre langage graphique pour cette demande, en osant une analogie formelle ou un raccourci de formes, je ne sais pas trop, entre celle des étoiles exprimée plus haut et celle de l'éclairage ambiant de rigueur. En toute subjectivité. De ce ressenti a découlé un premier choix typographique nous renvoyant à cette ambiance d'éclairage de concert et qui fonctionnerait de concert avec les petites étoiles qui constelleraient notre visuel. La police Balls on the rampage nous a servi pour la mise en forme du nom de l'événement, du lieu et des dates.

Nous sommes allés chercher chez la fonderie Olive, parce que l'huile d'olive est très bonne pour la santé, le second caractère qui allait nous servir à compléter les informations principales de façon discrète et lisible. Ce qui ne veut pas dire de façon totalement impersonnelle non plus !

Il est là le charme de l'Antique Olive, une linéale qui possède cette gageure d'être reconnaissable entre mille autres linéales avec des contrastes pleins / déliés très poussés, presque " inhabituels " à l'œil pour une typographie sans empâtements, et des points sur les " i " en forme d'olive venant donner ce dessin incurvé si particulier sur le dessus de cette lettre. Mon travail saisonnier aidant, j'ai découvert qu'elle servait également à l'identité d'une gamme de médicaments. Leur succès auprès des pharmaciens et par conséquent le matraquage visuel qu'il m'a causé a peut-être inconsciemment incité à ce choix là… Bref, les graisses de l'Antique Olive nous ont été d'une grande aide pour clairement placer la quantité d'informations importante que nous avions à mettre en forme et à hiérarchiser pour l'occasion.

Des logos
Nous avons tenu – peut-être moi un peu plus de façon légèrement obstinée – à faire en sorte que les partenaires de l'évènement viennent s'intégrer harmonieusement au reste de l'évènement annoncé. D'abord concentrés sur le visuel ainsi que la mise en forme graphique et typographique des informations, nous avons placé dans un premier temps les logos, un peu par défaut, en bas de l'affiche pour les garder en tête, en attendant de les traiter plus proprement.

Pour expliciter un peu plus ma première phrase, j'aurais à faire cette remarque. Les événements culturels, c'est un fait, pour exister ont besoin de soutiens financiers de partenaires, des fois très nombreux. Il est presque amusant de constater des farandoles logographiques sur certaines affiches communiquant pour une manifestation culturelle. Qu'il y en ait pléthore, là n'est pas le problème. Le problème vient plus de leur application graphique trop rigide, voire indigente faisant donc parfois défaut. Je n'oserais pas dire qu'ils peuvent parfois avoir cette capacité à venir saborder une proposition. Quoi qu'il en soit, s'il y a bien un élément graphique qui doit pouvoir s'adapter à n'importe qu'elle type de situation, c'est, à mon sens, le logo.

Un bon logo doit, selon moi, pouvoir supporter les échelles rikiki, savoir s'exprimer en très peu de couleurs, et savoir s'harmoniser avec les ambiances graphiques auxquelles il sera confronté. Ou en tout cas ne pas venir parasiter l'espace graphique dans lequel il est invité en ayant l'air de dépareiller, ou en criant trop fort se présence ; ça doit être quelque chose de souple et de facile à appliquer. Amusant même ! Il ne doit pas faire office de figure autoritaire dans l'espace graphique dans lequel il va être convié. Il doit savoir être courtois et discret. Malicieux même !

Il semble très difficile, presque prohibitoire de donner un peu de fantaisie à leur application en les mettant en scène. Les logos jouissant presque d'une quasi aura sacrée en leur rôle d'élément structurant de l'identité visuelle d'un organisme, association, institution, ou autre… et de ce que ces derniers souhaitent lui faire véhiculer comme idée. Y toucher de façon non " réglementaire ", pour peu que celui-ci possède une charte – ou pas –, tiendrait du crime de lèse majesté. Et quelque part, avoir à faire avec une figure trop autoritaire dépourvue de toute fantaisie me fait quelque peu fulminer. Alain Le Quernec avait eu cette fantaisie sur cette affiche pour le Parvis. Une mise en scène pleine d'humour, pensée de façon réfléchie n'enlève rien à l'intégrité d'un logo. Au contraire il gagne en force et en audace montrant qu'il peut posséder du caractère. La création de Michael Amzalag et de Mathias Augustyniak pour le CNAP en est un autre exemple amusant. Il sait faire preuve ici d'une utilisation étonnante presque iconoclaste.

Pour ce qui a été de notre cas, nous avons simplement cherché à parer les partenaires aux couleurs de notre proposition en prenant nos libertés. Cela peut sembler dérisoire mais nous avons trouvé que les propos portés par l'affiche étaient transmis de façon plus collégiale, sereine et élégante de cette façon. Sur la version précédant cette proposition, un espace délimitait celui de l'évènement de celui des partenaires. Les logos étaient apposés de façon trop mécanique, sans prise de recul. Et aussi – critique personnel – parce qu'il semble difficile d'obtenir des versions autres que jpeg de ces derniers. Cela semble aller de soi d'ailleurs…

Je ne pense pas que ce soit faire son graphiste dictateur que de demander des versions vectorielles des logos parce que :
1_ ça pèse rien du tout,
2_ c'est beaucoup plus souple et aisé à traiter et
3_ c'est du vectoriel donc ça ne pixellise pas.
On gagne du temps et on est très content ! En tout cas la mise en forme évoquée précédemment semblait dire trop haut : " c'est nous qui donnons l'argent, ne l'oubliez pas… " Une dérive absurde ou amusante, je ne sais pas trop, serait d'avoir une affiche annonçant une manifestation mais possédant tellement de partenaires que l'espace d'expression mis à disposition pour l'annoncer serait saturé de ces logos au point de ne laisser plus aucune place pour un visuel ou alors l'écrasant, le saturant complètement. Jusqu'au-boutiste, le geste consisterait de surcroit à faire figurer la taille de ces logos de manière proportionnelle au financement apporté.


Une fois l'affiche A3 terminée, nous l'avons déclinée en flyer A6 – où des limites de lisibilité ont commencé à apparaître sur les adresses internet des groupes et surtout sur les logos – et adapté pour le kakemono. Ce que nous ne voulions pas sur ce dernier, c'était d'avoir à faire basculer les informations apparaissant déjà en corps important sur la version A3 à la verticale. Parce qu'avoir à pencher la tête pour lire ces informations était quelque chose qui nous gênait, compte tenu encore une fois de la quantité d'informations à faire figurer dessus. Une lecture fonctionnelle, avec les dates et les noms des groupes centrés sur le kakemono nous a semblé appropriée. Nous avons travaillé jusqu'alors en nous confrontant à l'écran et en faisant des tests avec l'imprimante jet d'encre A4 dont nous disposions. Mais qu'allez donc donner nos propositions en vrai, imprimées avec les moyens modestes qui étaient ceux de la mairie de Quinsac ? A quoi ressemblerait en vrai le kakemono ? Les derniers jours d'Août figuraient déjà comme des dates importantes. Nous étions déjà à la fin du mois de Juillet.

En vrai
La chose étrange, ironique même, a été que nous ne savions pas trop où se situait le concert des Train's Tone auquel nous allions assister. Nous nous trouvions dans la posture de quidams, perdus, ne connaissant rien des lieux où nous nous trouvions, avec pour seules informations celles que nous avions mises en formes qui, lorsqu'elles se donneraient à voir, nous indiqueraient que nous sommes sur la bonne voie ! Là une inquiétude m'a traversée l'esprit, la peur d'avoir à pester, amnésique, contre une communication ratée. En approchant du rond-point situé en contrebas du village nous avons aperçu une forme oblongue attachée à un réverbère. D'abord sombre elle se laissa peu à peu découvrir dans des teintes bleutées puis bleu et rouge. C'était notre travail en vrai de vrai. C'est étrange de se retrouver dans la posture de véritable spectateur, de récepteur de son propre travail. Sans avoir eu connaissance du résultat final à l'œuvre et le découvrant au même moment que tous les autres, comme tout un chacun. Après avoir eu du mal à me convaincre que j'avais été un des responsables de la chose que j'avais sous les yeux, un sourire difficile à contenir a marqué mon visage. J'étais pris soudainement par une joie béate qui vous fait vous sentir bien.

Une fois arrivé à bon port, nous étions impatients de découvrir le résultat des affiches. Quelle ne fut pas ma déception de m'apercevoir qu'une version antérieure à celle que nous avions pris soin de correctement finaliser avait servi à l'impression… Par mégarde très certainement puisque les flyers avaient été imprimés correctement. En effet, c'est la version comportant les logos non retravaillés qui a servi aux tirages A3. Préparer soigneusement une proposition pour en voire diffuser une moins aboutie, ne comportant pas tout ce que nous avions à dire… Rageant sur le coup… Mais au final, avec le recul, c'est paraissait bien peu comparé à la joie procurée par le fait de se voir affiché, placardé, collé sur les tableaux d'affichage public et dans les rues du village en compagnie d'autres affiches. De voir les gens passer devant ou des têtes blondes se chamaillant non loin… Réaliser que nous participons ainsi à l'animation et la vie d'une commune. Voir son travail vivre, légèrement déchiré, gondolé virer vers des teintes agréablement surprenantes sous l'effet de la colle, le voir prendre des qualités plastiques, l'imaginer par la suite recouvert par d'autres affiches ou tout simplement déchiré. Avoir fait partie l'espace d'un instant de l'histoire des murs d'un lieu. Lacéré anonyme. Ça m'est soudainement devenu plus concret cette discipline qu'on appelle graphisme.

En images


jeudi 15 septembre 2011

Paris tu paries...

Souvenirs...



Paris c'était le fond documentaire d'Orsay, infini, l'ordinateur égaré dans le kebab à Montreuil après avoir parlé avec Pierre Di Sciullo et y être retourné à mi-chemin sur le retour, au pas de course, pour le chercher, Montmartre et son faux-décor avec Anne, son copain et son autre copain, l'exposition Kubrick à la cinémathèque, les glaces à l'italienne, le museum d'histoire naturelle visité au pas de course une heure avant sa fermeture parce qu'on sait si bien s'y prendre, le trajet à pied le soir d'une demi-heure depuis la gare de Chatoux, la façade magnifiquement imposante de l'Institut du monde arabe semblable à une succession de diaphragmes ouverts à f 1.8 ou f 5.6 ou f 11...

mercredi 30 mars 2011

Arc Bedous, intervenir en vallée d'Aspe

Je sors fraîchement d'un atelier de recherches et de création qui nous a conduit à travailler en vallée d'Aspe en étroite collaboration avec la mairie de Bedous. Par où commencer ? La semaine a été si riche en découvertes que vouloir faire un post exhaustif de ce qu'a pu être notre excursion et notre expérience partagée durant cette semaine prendrait des heures et ne serait, je pense, que parcellaire au final ; même avec toute la bonne volonté du monde de tout vouloir bien raconter.

Je suis devant mon clavier à me demander ce que je vais bien pouvoir écrire, ce que je vais choisir de raconter. Il suffit que je m'arrête trente secondes de pianoter pour que je repense, en accéléré, aux moments vécus en groupe avec Ghislain, Manu, Maylis, Neven, Anaïs, Marion, Sylvie, Delphine, Charlotte, Anne-Laure, Matthias, Xavier, Melaÿne et Carlôte, tout ce beau monde mené par l'énergie bienveillante et stimulante de Marie et Bertrand, et me répéter encore : " c'est passé si vite… ". Ou alors me bidonner tout seul devant mon écran, comme un imbécile heureux, en repensant aux bons instants de déconnade responsables de quelques dommages collatéraux aussi perchés qu'inoubliables. Et c'est à cette seconde que je me dis que je regrette un peu de n'avoir pu embarquer certaines personnes avec moi, tout aussi enjouées, joyeuses, motivées et méritantes que celles citées plus haut, pour que je puisse continuer de refaire le séjour avec elles ; après coup.

Je vais essayer de mener mon petit récit de façon pas trop inégale.

Samedi : prise de contact et prendre de la hauteur
Nous avons débuté notre premier jour par une petite randonnée qui a eu le mérite de nous mettre en jambe pour tout le restant de notre séjour en vallée d'Aspe. Notre destination a été la cabane de Casteruch, point de vue privilégié qui nous a permis de prendre de la hauteur par rapport à notre sujet d'étude qu'allait être la commune de Bedous et ses environs. Pour être un peu moins vague, la demande de ce village nous a été présentée comme ceci.

A l'entrée de Nord de Bedous (entrée qui nous relie à Pau) se trouve un rond-point. Sa mise en place est à mettre en relation avec la construction d'une déviation qui contourne le village, traversé jusqu'alors par la RN 134. Nous apprendrons plus tard, lors de ce chaleureux et intimidé accueil à la mairie de la commune, le soir, que cette voie de contournement a été faite pour dévier le passage des poids lourds. Si cela a représenté un avantage de poids pour les habitants de Bedous, ayant vu ainsi leur quotidien gagner en sérénité et tranquillité, cela n'a pas manqué d'avoir comme effet pervers de dévier aussi le trajet des automobilistes de passage traversant la vallée. C'est ce détournement de flux, potentiellement apte à animer l'activité économique, touristique et culturel de Bedous, capable de faire vivre son patrimoine, son histoire, ses richesses et celles de la vallée dans laquelle cette commune se situe, que les élus locaux aimeraient voir endigué.

Notre intervention va devoir chercher à réguler un peu ce flux et amener à faire reconsidérer l'itinéraire des visiteurs trop pressés de se rendre en Espagne par exemple. En tout cas l'objectif peut-être vu ainsi : donner une visibilité au bourg central de la vallée qu'est Bedous qui puisse susciter l'intérêt et la curiosité des voyageurs en transit dans la vallée d'Aspe.

Une particularité de la vallée d'Aspe
Voici quelques petites données géographiques récoltées lors de notre rendez-vous du lundi matin en compagnie de Régine Casaucau, directrice de l'office de tourisme et de Bernard Choy, accompagnateur de développement. La vallée, pays du Haut-Béarn, est constituée de 13 communes. Elle mesure 40 km de long sur 20 km de large et abrite 2 763 habitants. Elle se décompose en 3 zones qui sont la Basse-vallée (avec Escote, Sarrance et Lourdios-Ichére), le Vallon son cœur (comprenant deux pôles importants qui sont Accous et Bedous) et les communes latérales (où l'on trouve Aydius, Lescun entre autres…).

L'économie fromagère est celle qui structure toute la vallée. Les 112 estives qui la constitue concourent à produire 100 tonnes de fromages par an. Le pastoralisme représente à juste titre l'activité pilier de la vallée bien que d'autres éléments moteurs soient aussi très présents comme l'artisanat lié au travail du bois et un patrimoine lié à l'eau (qui lui permet d'accueillir une centrale hydro-électrique). Les supérettes, les commerces et les services de proximité importants (respectivement fromagerie, épicerie, boucherie, bureau de presse et pharmacie, médecins, école primaire de la communauté d'Aspe) sont quant à eux situés principalement dans la commune de Bedous. Et en plus de renfermer des architectures classées monuments historiques, c'est dans cette dernière qu'est implanté le point d'information stratégique pour toute personne de passage dans les environs qu'est l'office de tourisme de la vallée.

Je donne ces informations non pas pour faire la part belle à Bedous mais pour bien faire prendre conscience de son rôle pivot au sein de la communauté des communes d'Aspe et ainsi laisser entendre pourquoi sa demande semble justifiée.

***
Si la demande principale de Bedous a été celle formulée plus haut, les élus n'ont pas oubliés d'être entreprenant avec nous en ouvrant les possibilités d'interventions, ne les limitant pas au simple rond-point nord du Vallon. Des propositions d'intervention autres, ils n'en manquaient pas puisque il était tout aussi possible de proposer une signalétique dans Bedous - qui inviterait les voyageurs à la découverte de ses rues et son patrimoine - que d'intervenir sur les actuels panneaux d'entrées de village inefficaces dans leur tâche de donner envie aux gens de passage de venir parcourir la commune puis par la suite la vallée.

Sur la même longueur d'onde ?
A propos des rendez-vous avec la mairie qui ont eu lieu samedi et lundi je ne peux m'empêcher de faire quelques observations personnelles. J'ai été assez content de voir l'enthousiasme que nous avons pu susciter auprès des personnes qui nous ont fait part de leur problème. Elles étaient très spontanées avec nous bien que peut-être un peu intimidées et ont su montrer une ouverture d'esprit que j'ai trouvé assez inattendue je dois l'avouer. A moins que le problème dont ils nous ont fait part les dépassait peut-être un peu, ne sachant plus trop quoi faire pour le régler. Il s'en serait remis à nous, un peu en désespoir de cause, nous donnant quasi carte blanche et nous faisant pleinement confiance tout en ne sachant pas trop à quoi s'attendre. Une grande confiance teintée d'optimisme de leur part j'ai trouvé ; c'est tellement important et précieux… et rare de rencontrer des commanditaires comme ça.

Oui j'ai eu l'impression que notre venue semblait providentielle à leurs yeux, pensant peut-être que nous serions la panacée à leur problème. Et en supposant que cette intuition ne soit pas totalement fausse, je me demande pourquoi quelque part. Le champ de la création dite "artistique" serait-il à ce point important pour apporter une sorte de valeur ajoutée à la cause qu'il va pouvoir servir ? Dans ce cas si c'est perçu comme tel est-ce que c'est louable d'intervenir en connaissance de cause ? N'y a t-il pas quelque chose d'ordre de l'éthique qu'il serait bon de questionner de la part de / des intervenants ? L'intervention proposée doit-elle substituer ce qu'elle va servir ? Je pose ces questions car lors de notre premier rendez-vous, une dame m'a fait part d'une série de cartes postales (il y a quelque chose qui ne va pas dés le départ) montrant des peintures et des dessins présents sur les mûrs d'une petite ville d'Italie dont j'ai oublié le nom. Elle me les a confiées en m'expliquant que depuis qu'il y avait ces dessins sur les mûrs, les gens venaient visiter le village en question.

J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui ne va pas quand j'entends ça, qui vient pointer du doigt le pouvoir prétendument séducteur des images ; ça devient délicat lorsque l'on cède à ce raccourci facile que je trouve teinté de résignation. Que l'on soit artiste, graphiste, producteur de signes en tous genres ou de n'importe quelle autre appellation, notre rôle je pense n'est pas de chercher à séduire, flatter le regard de façon ostentatoire (ce qui restera à prouver) et un peu consentante aussi, en enjolivant le sujet que l'on aura choisi de défendre, de questionner, de mettre en avant. Le risque à ce sujet étant de finir par accorder un pouvoir trop autoritaire à ces constructions de l'esprit. Il faut que ces constructions de l'esprit restent bienveillantes, viennent accompagner ce qu'elles ont choisi de mettre en avant pour aussitôt s'effacer lorsque le moment sera opportun.

Nous sommes là pour accompagner, pour porter et non pas avoir à supporter (au sens péjoratif du terme). Nous cherchons à créer, à donner à voir en donnant du sens. Nous avons tout un tas de vocabulaire pour ça. Il convient juste d'employer le bon. Ne pas emprunter un vocabulaire complétement gratuit et surfait qui serait l'expression trop empreinte de prétention, de suffisance ou d'inconscience de son utilisateur ou créateur.

On doit pouvoir arriver à construire quelque chose qui fonctionne tout seul, dont on n'aura aucun mal à se déprendre et qui pourra coexister de manière égalitaire avec ce qu'il cherche à porter. Notre rôle n'est pas d'essayer de tromper, de berner les gens en créant du faux-rêve, en leur jetant de la poudre aux yeux pour leur faire espérer je ne sais quoi de façon inconsidérée ou créer de l'intérêt là où il n'y en a pas. Si nous intervenons c'est parce que c'est juste et justifié et que ça vaut la peine d'intervenir.

Je dis ça mais j'avoue que des fois les tentations sont grandes d'essayer d'arriver orgueilleusement à créer quelque chose qui soit étonnant, qui chercherait, peut-être un peu de façon coupable, à mettre plus en avant celui qui l'a produit que ce que cette chose pourra servir. De l'orgueil mal placé !

Tout ça pour dire que ce n'est pas une signature ou une patte dans une certaine mouvance que nous cherchons à proposer. On ne viendra pas à Bedous ou en vallée d'Aspe pour voir la sculpture imposante d'un tel ou la signalétique à la mode d'une autre. Ce serait débile et complétement ratée comme intervention. On y viendra parce que c'est un lieu que l'on ne trouvera nulle part ailleurs et parce qu'il possède cette histoire, cette richesse étonnante qui lui est propre et qui a toujours fait son identité, son essence.

En immersion
Pendant 4 jours, nous avons essayé de nous rapprocher un peu plus de ce lieu qui nous était totalement inconnu, en le parcourant, en l'observant, en le questionnant. Un rapport de proximité avec notre sujet s'est créé par nécessité, par curiosité, par envie de faire des rencontres et souhait de pouvoir échanger avec les habitants afin de porter une attention particulière et mieux apprécier ce qu'ils avaient à nous raconter.

Une première appréciation de notre lieu d'intervention s'est faite en prenant de la hauteur, pour voir, pour visualiser la situation de nos propres yeux et commencer à s'approprier ce nouvel espace. La randonnée qui nous a permis de nous élever nous a aussi fait entrevoir un peu la transhumance qui peut rythmer la vie des troupeaux et donc celle des bergers de la vallée. Et partout où nous posions notre regard, c'était des successions de tableaux gorgés de "pleinairisme" que nous avions à voir. Les sommets enneigés étaient lumineux à presque me brûler les yeux. De grandes bouffées d'oxygène dépaysantes !

La journée du lendemain a été mise à profit pour pénétrer un peu mieux les lieux, commencer à entrevoir les choses de l'intérieur. Mais avant cela il a bien été question de prendre un peu aussi nos marques et d'assumer notre présence en pique-niquant sur le fameux rond-point. Juste pour dire que nous étions bel et bien là. Par gentille provocation aussi mais surtout goûter la chose à fond. Une façon peut-être aussi d'empoigner l'objet du problème, de s'y confronter pour qu'il comprenne que nous n'avions pas peur de nous frotter à lui et que nous étions prêt à en découdre. Nous ne sommes pas monter pendant 2 heures la veille pour des clopinettes non plus ! Et c'est l'après-midi que nous nous sommes séparés en groupes pour mieux arpenter les petites rues et les différents sentiers plus ou moins praticables de Bedous. Un léger parfum d'Antoine de Maximy flottait dans l'aventure.

Le mardi après-midi, dernier jour de notre venue, nous avons pu visiter la ferme de Monsieur et Madame Miramond. Des gens incroyables, qui ont décidé à un moment de leur vie de quitter leur situation professionnelle respective d'alors pour se consacrer à l'élevage de vache et de brebis et développer une activité fromagère empreinte d'attention, consciencieuse, respectueuse et sereine. Un changement qui leur réussi plutôt bien puisque nous avons compris que leur nouvelle vocation leur apportait satisfaction et reconnaissance après dix années d'activité. Une jolie leçon de vie je trouve qui vient tordre le coup aux modèles de vie tout fait. C'est bel et bien de choix de vie dont il fut question…
Et c'est possible d'y arriver……………………………………………… ………… … …………

Une proposition d'intervention
De ces quelques jours d'imprégnation a émergé progressivement une proposition de signalétique non pas à Bedous mais dans toute la vallée. Les rencontres et différents dans les rues du bourg ont mis à jour un lieu complexe et dense fourmillant de richesses culturelles, linguistiques, historiques, géographiques et géologiques et que je n'ai pu qu'entr'apercevoir. De quoi se perdre, se disperser, ne plus trop savoir où donner de la tête.

Une des critiques qui avait été faite par l'accompagnateur de la vallée (dont il ne me reste que son prénom : Louis) sur les panneaux d'entrée des différentes communes était que chacune avait mis en avant des choses qui leur tenait à cœur au détriment d'une vision d'ensemble apte à rassembler toutes les communes.

Avec tous les renseignements glanés ça et là sur la vallée, il devenait de plus en plus difficile d'arriver à se concentrer sur une une seule commune en particulier au détriment d'une autre. Dans mon esprit, l'ensemble prenait progressivement le dessus sur la partie. Pourquoi travailler pour Bedous en particulier ?

N'ayant pas trouver de réponse satisfaisante, je l'ai mise de côté pour prendre la chose dans son ensemble. Pour moi, la vallée était présente avant ses habitants. C'est cet angle d'approche irréfutable et plus juste à mes yeux que j'ai préféré adopter.

Mon travail garde une constante, un élément unique : la vallée d'Aspe. Il lui est associée un élément variable qui fait sa richesse. Cela peut-être aussi bien un élément de sa faune, qu'une des particularités amenée par l'humain. Cette variable est esquissée sur le mode du croquis. Un dessin qui ne veut pas trop s'encombrer de détails est convoqué pour produire une lecture aussi simple que brève du panneau. Avec l'espoir qu'au fur et à mesure de leur découverte, les voyageurs se créent leur propre récit, leur propre narration avec. Des jeux de regards sont esquissés. Si une brebis se donne à voir de dos se n'est pas pour cette raison mais parce qu'elle nous invite à observer le paysage environnant. Suivez son regard !

Des pictogrammes routiers bien particulier et spécifiques au lieu (comme le symbole "point de vue" ou celui marquant le sentier de Saint Jacques de Compostelle) sont reproduits avec ce même type de dessin pour être mis au même niveau que leur versant plus figuratifs.

L'élément constant écrit en toute lettre joue sur le hors-cadre pour signifier l'immensité et la force du lieu. C'est aussi pour cela que le corps utilisé pour le composer sont importants. Il a été augmenté en jouant avec les limites de lisibilité. La qualité (qui est "vallée") de l'élément en corps important (qui est "Aspe") est signifiée aussi en toute lettre, dans un corps plus petit et un caractère moins étroit pour rappeler l'évidence.

Au même titre que "vallée" ne fonctionne pas sans "Aspe", les dessins ont besoin de cet élément de texte pour fonctionner car il s'y rapportent directement. Ce principe de fonctionnement essaie de créer une habitude à demi-prévisible. En effet si la mention "vallée d'Aspe" apparait systématiquement composée de la même manière d'un panneau à un autre, c'est pour se faire progressivement oublier et devenir suggérée implicitement lorsque le regard finira par se concentrer uniquement sur le dessin. Sa fragilité et sa discrétion se manifesteront alors pour rappeler au lecteur qu'il doit garder ses yeux grands ouverts. Afin de capter les aspects de cette vallée qui ne se donnent pas à voir facilement et qui demande d'être attentif.

S'imprégner, s'éparpiller, relever, rêver


Proposer