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samedi 24 septembre 2011

Devoir de vacances

Les mois chauds s'achèvent. Progressivement vont poindre les jours plus vieux.

Nuits éclairées
Une demande de communication nous a été faite par la ville de Quinsac. Je dis nous car j'ai pu réfléchir, élaborer et travailler sur le visuel des affiches, des flyers et du kakemono en collaboration avec Anne-Perrine Couët. L'événement célébré a été la fête du vin quinsacais. Son nom, Nuits et clairet.

" Si le jour de la Saint-Vincent le soleil est clairet beau – On aura plus de vin que d'eau. "

Cette sémillante manifestation nous a été présentée par Patrick Perez, organisateur de la manifestation, comme un rendez-vous où tout le monde se retrouve pour partager un bon moment avant la claironnante rentrée dans une ambiance guinguette et festive. Bref, vous l'aurez compris, c'est une fête de village où quasiment tout le monde connait quasiment tout le monde et où l'on apprécie voir de temps en temps de nouvelles têtes lors de joyeuses célébrations comme celle-ci, où l'on mange de l'entrecôte ou du magret bien saignant de manière conviviale, où l'on goûte la nouvelle cuvée du producteur local – qui nous inspire de la tendresse parce que sur sa camionnette figure encore un numéro de téléphone à 8 chiffres et que les lettres de son enseigne sont peintes à la main dans des formes rappelant du Roger Excoffon dans sa veine la plus savamment vernaculaire – de manière encore plus conviviale, tout ça au gré de sonorités rock, reggae ou ska censées vous fait bouger les seufs, distribuées par les groupes s'y produisant énergiquement.

Pour ce travail nous sommes partis sur des composantes graphiques et des couleurs simples. La couleur du clairet c'est un beau rouge rubis joliment nuancé, le ciel d'une nuit d'été c'est un bleu d'encre qui se dégrade de plus en plus vers le noir lorsqu'on lève la tête pour regarder les étoiles qui nous apparaissent comme des petits points scintillants blancs. Enfin, la scène de concert possède un éclairage qui vient distiller des ambiances lumineuses aux rythmes des morceaux se succédant. Les éclairages sont constitués de plusieurs petites leds et disposées ensemble généralement en forme de cercle. Nous avons ainsi constitué notre langage graphique pour cette demande, en osant une analogie formelle ou un raccourci de formes, je ne sais pas trop, entre celle des étoiles exprimée plus haut et celle de l'éclairage ambiant de rigueur. En toute subjectivité. De ce ressenti a découlé un premier choix typographique nous renvoyant à cette ambiance d'éclairage de concert et qui fonctionnerait de concert avec les petites étoiles qui constelleraient notre visuel. La police Balls on the rampage nous a servi pour la mise en forme du nom de l'événement, du lieu et des dates.

Nous sommes allés chercher chez la fonderie Olive, parce que l'huile d'olive est très bonne pour la santé, le second caractère qui allait nous servir à compléter les informations principales de façon discrète et lisible. Ce qui ne veut pas dire de façon totalement impersonnelle non plus !

Il est là le charme de l'Antique Olive, une linéale qui possède cette gageure d'être reconnaissable entre mille autres linéales avec des contrastes pleins / déliés très poussés, presque " inhabituels " à l'œil pour une typographie sans empâtements, et des points sur les " i " en forme d'olive venant donner ce dessin incurvé si particulier sur le dessus de cette lettre. Mon travail saisonnier aidant, j'ai découvert qu'elle servait également à l'identité d'une gamme de médicaments. Leur succès auprès des pharmaciens et par conséquent le matraquage visuel qu'il m'a causé a peut-être inconsciemment incité à ce choix là… Bref, les graisses de l'Antique Olive nous ont été d'une grande aide pour clairement placer la quantité d'informations importante que nous avions à mettre en forme et à hiérarchiser pour l'occasion.

Des logos
Nous avons tenu – peut-être moi un peu plus de façon légèrement obstinée – à faire en sorte que les partenaires de l'évènement viennent s'intégrer harmonieusement au reste de l'évènement annoncé. D'abord concentrés sur le visuel ainsi que la mise en forme graphique et typographique des informations, nous avons placé dans un premier temps les logos, un peu par défaut, en bas de l'affiche pour les garder en tête, en attendant de les traiter plus proprement.

Pour expliciter un peu plus ma première phrase, j'aurais à faire cette remarque. Les événements culturels, c'est un fait, pour exister ont besoin de soutiens financiers de partenaires, des fois très nombreux. Il est presque amusant de constater des farandoles logographiques sur certaines affiches communiquant pour une manifestation culturelle. Qu'il y en ait pléthore, là n'est pas le problème. Le problème vient plus de leur application graphique trop rigide, voire indigente faisant donc parfois défaut. Je n'oserais pas dire qu'ils peuvent parfois avoir cette capacité à venir saborder une proposition. Quoi qu'il en soit, s'il y a bien un élément graphique qui doit pouvoir s'adapter à n'importe qu'elle type de situation, c'est, à mon sens, le logo.

Un bon logo doit, selon moi, pouvoir supporter les échelles rikiki, savoir s'exprimer en très peu de couleurs, et savoir s'harmoniser avec les ambiances graphiques auxquelles il sera confronté. Ou en tout cas ne pas venir parasiter l'espace graphique dans lequel il est invité en ayant l'air de dépareiller, ou en criant trop fort se présence ; ça doit être quelque chose de souple et de facile à appliquer. Amusant même ! Il ne doit pas faire office de figure autoritaire dans l'espace graphique dans lequel il va être convié. Il doit savoir être courtois et discret. Malicieux même !

Il semble très difficile, presque prohibitoire de donner un peu de fantaisie à leur application en les mettant en scène. Les logos jouissant presque d'une quasi aura sacrée en leur rôle d'élément structurant de l'identité visuelle d'un organisme, association, institution, ou autre… et de ce que ces derniers souhaitent lui faire véhiculer comme idée. Y toucher de façon non " réglementaire ", pour peu que celui-ci possède une charte – ou pas –, tiendrait du crime de lèse majesté. Et quelque part, avoir à faire avec une figure trop autoritaire dépourvue de toute fantaisie me fait quelque peu fulminer. Alain Le Quernec avait eu cette fantaisie sur cette affiche pour le Parvis. Une mise en scène pleine d'humour, pensée de façon réfléchie n'enlève rien à l'intégrité d'un logo. Au contraire il gagne en force et en audace montrant qu'il peut posséder du caractère. La création de Michael Amzalag et de Mathias Augustyniak pour le CNAP en est un autre exemple amusant. Il sait faire preuve ici d'une utilisation étonnante presque iconoclaste.

Pour ce qui a été de notre cas, nous avons simplement cherché à parer les partenaires aux couleurs de notre proposition en prenant nos libertés. Cela peut sembler dérisoire mais nous avons trouvé que les propos portés par l'affiche étaient transmis de façon plus collégiale, sereine et élégante de cette façon. Sur la version précédant cette proposition, un espace délimitait celui de l'évènement de celui des partenaires. Les logos étaient apposés de façon trop mécanique, sans prise de recul. Et aussi – critique personnel – parce qu'il semble difficile d'obtenir des versions autres que jpeg de ces derniers. Cela semble aller de soi d'ailleurs…

Je ne pense pas que ce soit faire son graphiste dictateur que de demander des versions vectorielles des logos parce que :
1_ ça pèse rien du tout,
2_ c'est beaucoup plus souple et aisé à traiter et
3_ c'est du vectoriel donc ça ne pixellise pas.
On gagne du temps et on est très content ! En tout cas la mise en forme évoquée précédemment semblait dire trop haut : " c'est nous qui donnons l'argent, ne l'oubliez pas… " Une dérive absurde ou amusante, je ne sais pas trop, serait d'avoir une affiche annonçant une manifestation mais possédant tellement de partenaires que l'espace d'expression mis à disposition pour l'annoncer serait saturé de ces logos au point de ne laisser plus aucune place pour un visuel ou alors l'écrasant, le saturant complètement. Jusqu'au-boutiste, le geste consisterait de surcroit à faire figurer la taille de ces logos de manière proportionnelle au financement apporté.


Une fois l'affiche A3 terminée, nous l'avons déclinée en flyer A6 – où des limites de lisibilité ont commencé à apparaître sur les adresses internet des groupes et surtout sur les logos – et adapté pour le kakemono. Ce que nous ne voulions pas sur ce dernier, c'était d'avoir à faire basculer les informations apparaissant déjà en corps important sur la version A3 à la verticale. Parce qu'avoir à pencher la tête pour lire ces informations était quelque chose qui nous gênait, compte tenu encore une fois de la quantité d'informations à faire figurer dessus. Une lecture fonctionnelle, avec les dates et les noms des groupes centrés sur le kakemono nous a semblé appropriée. Nous avons travaillé jusqu'alors en nous confrontant à l'écran et en faisant des tests avec l'imprimante jet d'encre A4 dont nous disposions. Mais qu'allez donc donner nos propositions en vrai, imprimées avec les moyens modestes qui étaient ceux de la mairie de Quinsac ? A quoi ressemblerait en vrai le kakemono ? Les derniers jours d'Août figuraient déjà comme des dates importantes. Nous étions déjà à la fin du mois de Juillet.

En vrai
La chose étrange, ironique même, a été que nous ne savions pas trop où se situait le concert des Train's Tone auquel nous allions assister. Nous nous trouvions dans la posture de quidams, perdus, ne connaissant rien des lieux où nous nous trouvions, avec pour seules informations celles que nous avions mises en formes qui, lorsqu'elles se donneraient à voir, nous indiqueraient que nous sommes sur la bonne voie ! Là une inquiétude m'a traversée l'esprit, la peur d'avoir à pester, amnésique, contre une communication ratée. En approchant du rond-point situé en contrebas du village nous avons aperçu une forme oblongue attachée à un réverbère. D'abord sombre elle se laissa peu à peu découvrir dans des teintes bleutées puis bleu et rouge. C'était notre travail en vrai de vrai. C'est étrange de se retrouver dans la posture de véritable spectateur, de récepteur de son propre travail. Sans avoir eu connaissance du résultat final à l'œuvre et le découvrant au même moment que tous les autres, comme tout un chacun. Après avoir eu du mal à me convaincre que j'avais été un des responsables de la chose que j'avais sous les yeux, un sourire difficile à contenir a marqué mon visage. J'étais pris soudainement par une joie béate qui vous fait vous sentir bien.

Une fois arrivé à bon port, nous étions impatients de découvrir le résultat des affiches. Quelle ne fut pas ma déception de m'apercevoir qu'une version antérieure à celle que nous avions pris soin de correctement finaliser avait servi à l'impression… Par mégarde très certainement puisque les flyers avaient été imprimés correctement. En effet, c'est la version comportant les logos non retravaillés qui a servi aux tirages A3. Préparer soigneusement une proposition pour en voire diffuser une moins aboutie, ne comportant pas tout ce que nous avions à dire… Rageant sur le coup… Mais au final, avec le recul, c'est paraissait bien peu comparé à la joie procurée par le fait de se voir affiché, placardé, collé sur les tableaux d'affichage public et dans les rues du village en compagnie d'autres affiches. De voir les gens passer devant ou des têtes blondes se chamaillant non loin… Réaliser que nous participons ainsi à l'animation et la vie d'une commune. Voir son travail vivre, légèrement déchiré, gondolé virer vers des teintes agréablement surprenantes sous l'effet de la colle, le voir prendre des qualités plastiques, l'imaginer par la suite recouvert par d'autres affiches ou tout simplement déchiré. Avoir fait partie l'espace d'un instant de l'histoire des murs d'un lieu. Lacéré anonyme. Ça m'est soudainement devenu plus concret cette discipline qu'on appelle graphisme.

En images


lundi 17 janvier 2011

C'est quoi un beau livre ?

C'est la question qui a préoccupé les participants que nous étions durant le workshop mené par le dessinateur de caractères et graphiste Damien Gautier. Compte tenu de l'absence cette année du concours des plus beaux livres français, Damien a choisi de s'approprier l'événement à sa façon.

Chacun de nous a eu la consigne d'apporter les livres occupant les étagères de nos bibliothèques que nous considérions "beaux" avec tout le caractère équivoque et subjectif que ce mot peut comporter. Une sélection s'opérera parmi  tout ce que chacune et chacun aura apporté pour constituer notre catalogue de nos plus beaux livres. Vous sentez bien poindre les échanges que cela va provoquer j'imagine…

Nous nous sommes tous réunis autour de la table ovale de la bibliothèque de l'esac pour essayer de considérer les nombreux aspects qui font qu'un livre pourra être considéré comme beau. La discussion a eu lieu. A l'issue des idées qui ont été échangées et des propos de Damien voici ce que j'en ai retenu, de façon un peu décousue.
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Un livre est un objet savant soumis à des contraintes techniques. Vivant,  il sollicite un savoir-faire tributaire des modes de reprographie, d’assemblage, de finition qui serviront à le fabriquer.

Suite aux petites anecdotes distillées par Damien Gautier, je me rends compte qu’un bon travail d’édition passe par des bons rapports avec son / ses imprimeurs. J’ajouterai que tout graphiste devrait penser la conception de son livre à l’envers, en tenant compte par exemple des contraintes techniques de l'assembleuse-plieuse qui le fabriquera et en ayant choisi en premier lieu le ou les papiers qui constitueront le livre avant de s’interroger sur les composantes formelles que l’on trouvera à l’intérieur.

S’intéresser d’abord à ces contraintes techniques permettrait déjà de définir des formats papiers et des choix d’imposition. En faisant ce travail à rebours, le graphiste serait plus ou moins sur des rails l’aidant à penser la logique de son livre de manière plus sereine, sans trop de surprises malvenues.

Le sens des fibres doit-il être respecté ? Comme l’a dit Marie Bruneau, le livre est un objet vivant, qui travaille ; la fibre du papier provenant des arbres continue de travailler durant toute la vie du livre. Autant faire que cette dernière lui soit agréable. Ce respect n’est pas de trop et fait état d’une conscience soucieuse de ce qu’elle crée allant au-delà du fait de produire un simple objet. Se laisser guider, porter par ces contraintes a quelque chose de séduisant empreint de naturel, de tempérance, et cela me plait.
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Alors, qu’est-ce qu’un beau livre ?
La question préliminaire qu’il convient de se poser avant tout serait : c’est quoi, un livre ? Le livre électronique est-il un livre ? Un livre blanc – c'est-à-dire un livre dont l’intérieur serait vierge – est-il un livre ? Un livre tiré à très peu d’exemplaires est-il un livre ? Un livre moche est-il un livre ? Un album d’images, une bande dessinée, un manga, sont-ils des livres ? Un livre hors de prix est-il un livre ?

Un livre semble dépendre d'un circuit économique et d’un contexte de production qui détermineront son nombre d’exemplaires, son type de diffusion, sa fabrication, ou son prix. Le cas de Quitter la Terre des éditions Sans Importance, est intéressant. L’avoir défendu m’a fait ouvrir les yeux sur cet aspect économique qu’il est important de prendre en compte. De son tirage limité à trente exemplaires a découlé une petite édition (que je n’affublerai pas d’un autre nom) fabriquée artisanalement, de laquelle transparait une implication touchante qui force le respect. Il semble avoir été imprimé puis relié trente fois à la main. Ce mode de production fait qu’il ne pourra jamais être réalisé à plus de cent exemplaires sans devenir hors de prix : cela le rendrait inaccessible, ce qui est presque contraire à l’éthique d’un tel parti pris généreux. Le rendre abordable lui fait emprunter un circuit d’édition et de diffusion en marge du circuit courant et dominant. Il convient de questionner alors l’assimilation de cette édition à un « livre » au sens commun du terme. Et refuser de l’appeler ainsi n’est pas le dénigrer, bien au contraire.
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Un livre pourrait être défini comme un objet, doté d’un aspect, d’un poids, d’une identité et élaboré sur une durée plus ou moins longue, servant à transmettre des informations, du contenu au plus grand nombre à moyens, grands ou très grands exemplaires.

À l’intérieur de cette définition se trouveraient celle des beaux livres. Qu’est-ce que serait un beau livre ? Ce serait un objet soucieux de sa fabrication, de son aspect, accompagnant judicieusement, avec justesse et intelligence ce qu’il contient.
Un livre soucieux de ses conditions de conception, de fabrication, d’impression, de façonnage, de finition [c'est-à-dire, et de façon désordonnée, de la quantité d’encre, du type de papier – grammage, aspect, couleur –, du respect du sens des fibres, de la prise en compte de la chasse des feuilles dès la maquette, de l’harmonisation du gris typographique en fonction du choix du papier, d’une maquette suivant une logique, d’une grille, de choix typographiques accompagnant et servant le propos du livre, d’un chemin de fer, de l’aspect de la belle page, de la page de faux-titre, de la page de titre, du colophon, des choix typographiques et esthétiques faits sur la première, deuxième, troisième et quatrième de couverture...] desquelles découlera sa naissance pour se donner à voir, lire, parcourir, feuilleter. On parle d’enfantement parfois.

Le livre qui accorderait avec élégance tous ces paramètres en veillant à les faire parfaitement correspondre avec son sujet serait, selon moi, un beau livre. Un livre qui s’amuserait de façon jubilatoire avec tous ces paramètres serait une leçon d’artisanat, de savoir-faire : un très beau livre, en somme.
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Voici un extrait des pages du catalogue qui a été réalisé collégialement par : Adrien, Audrey, Ghislain, Guillaume, Marie-Charlotte, Mélaine, Mélanie, Merry et Yigang et puis avec Damien aussi… Les caractères employés pour le composer ont été l'Antique Olive et le Vendôme, deux créations de feu Roger Excoffon qui aurait eu 100 ans l'an passé. C'est un petit hommage donc que nous avons voulu lui rendre.
NPBL pour "Nos Plus Beaux Livres"

B pour "Bout" comme dans "bout de livre"
L pour" Livre"
N pour "Nomenclature"
La première page de notre catalogue
P pour "Police"