lundi 17 janvier 2011

C'est quoi un beau livre ?

C'est la question qui a préoccupé les participants que nous étions durant le workshop mené par le dessinateur de caractères et graphiste Damien Gautier. Compte tenu de l'absence cette année du concours des plus beaux livres français, Damien a choisi de s'approprier l'événement à sa façon.

Chacun de nous a eu la consigne d'apporter les livres occupant les étagères de nos bibliothèques que nous considérions "beaux" avec tout le caractère équivoque et subjectif que ce mot peut comporter. Une sélection s'opérera parmi  tout ce que chacune et chacun aura apporté pour constituer notre catalogue de nos plus beaux livres. Vous sentez bien poindre les échanges que cela va provoquer j'imagine…

Nous nous sommes tous réunis autour de la table ovale de la bibliothèque de l'esac pour essayer de considérer les nombreux aspects qui font qu'un livre pourra être considéré comme beau. La discussion a eu lieu. A l'issue des idées qui ont été échangées et des propos de Damien voici ce que j'en ai retenu, de façon un peu décousue.
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Un livre est un objet savant soumis à des contraintes techniques. Vivant,  il sollicite un savoir-faire tributaire des modes de reprographie, d’assemblage, de finition qui serviront à le fabriquer.

Suite aux petites anecdotes distillées par Damien Gautier, je me rends compte qu’un bon travail d’édition passe par des bons rapports avec son / ses imprimeurs. J’ajouterai que tout graphiste devrait penser la conception de son livre à l’envers, en tenant compte par exemple des contraintes techniques de l'assembleuse-plieuse qui le fabriquera et en ayant choisi en premier lieu le ou les papiers qui constitueront le livre avant de s’interroger sur les composantes formelles que l’on trouvera à l’intérieur.

S’intéresser d’abord à ces contraintes techniques permettrait déjà de définir des formats papiers et des choix d’imposition. En faisant ce travail à rebours, le graphiste serait plus ou moins sur des rails l’aidant à penser la logique de son livre de manière plus sereine, sans trop de surprises malvenues.

Le sens des fibres doit-il être respecté ? Comme l’a dit Marie Bruneau, le livre est un objet vivant, qui travaille ; la fibre du papier provenant des arbres continue de travailler durant toute la vie du livre. Autant faire que cette dernière lui soit agréable. Ce respect n’est pas de trop et fait état d’une conscience soucieuse de ce qu’elle crée allant au-delà du fait de produire un simple objet. Se laisser guider, porter par ces contraintes a quelque chose de séduisant empreint de naturel, de tempérance, et cela me plait.
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Alors, qu’est-ce qu’un beau livre ?
La question préliminaire qu’il convient de se poser avant tout serait : c’est quoi, un livre ? Le livre électronique est-il un livre ? Un livre blanc – c'est-à-dire un livre dont l’intérieur serait vierge – est-il un livre ? Un livre tiré à très peu d’exemplaires est-il un livre ? Un livre moche est-il un livre ? Un album d’images, une bande dessinée, un manga, sont-ils des livres ? Un livre hors de prix est-il un livre ?

Un livre semble dépendre d'un circuit économique et d’un contexte de production qui détermineront son nombre d’exemplaires, son type de diffusion, sa fabrication, ou son prix. Le cas de Quitter la Terre des éditions Sans Importance, est intéressant. L’avoir défendu m’a fait ouvrir les yeux sur cet aspect économique qu’il est important de prendre en compte. De son tirage limité à trente exemplaires a découlé une petite édition (que je n’affublerai pas d’un autre nom) fabriquée artisanalement, de laquelle transparait une implication touchante qui force le respect. Il semble avoir été imprimé puis relié trente fois à la main. Ce mode de production fait qu’il ne pourra jamais être réalisé à plus de cent exemplaires sans devenir hors de prix : cela le rendrait inaccessible, ce qui est presque contraire à l’éthique d’un tel parti pris généreux. Le rendre abordable lui fait emprunter un circuit d’édition et de diffusion en marge du circuit courant et dominant. Il convient de questionner alors l’assimilation de cette édition à un « livre » au sens commun du terme. Et refuser de l’appeler ainsi n’est pas le dénigrer, bien au contraire.
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Un livre pourrait être défini comme un objet, doté d’un aspect, d’un poids, d’une identité et élaboré sur une durée plus ou moins longue, servant à transmettre des informations, du contenu au plus grand nombre à moyens, grands ou très grands exemplaires.

À l’intérieur de cette définition se trouveraient celle des beaux livres. Qu’est-ce que serait un beau livre ? Ce serait un objet soucieux de sa fabrication, de son aspect, accompagnant judicieusement, avec justesse et intelligence ce qu’il contient.
Un livre soucieux de ses conditions de conception, de fabrication, d’impression, de façonnage, de finition [c'est-à-dire, et de façon désordonnée, de la quantité d’encre, du type de papier – grammage, aspect, couleur –, du respect du sens des fibres, de la prise en compte de la chasse des feuilles dès la maquette, de l’harmonisation du gris typographique en fonction du choix du papier, d’une maquette suivant une logique, d’une grille, de choix typographiques accompagnant et servant le propos du livre, d’un chemin de fer, de l’aspect de la belle page, de la page de faux-titre, de la page de titre, du colophon, des choix typographiques et esthétiques faits sur la première, deuxième, troisième et quatrième de couverture...] desquelles découlera sa naissance pour se donner à voir, lire, parcourir, feuilleter. On parle d’enfantement parfois.

Le livre qui accorderait avec élégance tous ces paramètres en veillant à les faire parfaitement correspondre avec son sujet serait, selon moi, un beau livre. Un livre qui s’amuserait de façon jubilatoire avec tous ces paramètres serait une leçon d’artisanat, de savoir-faire : un très beau livre, en somme.
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Voici un extrait des pages du catalogue qui a été réalisé collégialement par : Adrien, Audrey, Ghislain, Guillaume, Marie-Charlotte, Mélaine, Mélanie, Merry et Yigang et puis avec Damien aussi… Les caractères employés pour le composer ont été l'Antique Olive et le Vendôme, deux créations de feu Roger Excoffon qui aurait eu 100 ans l'an passé. C'est un petit hommage donc que nous avons voulu lui rendre.
NPBL pour "Nos Plus Beaux Livres"

B pour "Bout" comme dans "bout de livre"
L pour" Livre"
N pour "Nomenclature"
La première page de notre catalogue
P pour "Police"

2 commentaires:

  1. Ouais ! Des posts, des posts, il pleut des posts, c'est la folie furieusement furibonde au creux de ton clavier !

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  2. Ton lectorat veut des images, mangeur de poulain.

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